
L'alchimie
J'ai découvert l'alchimie à l'âge de l'adolescence,
grâce à un exemplaire du Mutus Liber trouvé dans la bibliothèque familiale. En le
feuilletant, je m'étais immédiatement aperçu du caractère étrange, pour le moins
singulier, de ces pages contenant uniquement des illustrations. Etait-ce une bande
dessinée expliquant comment transformer le plomb en or ?
Pas vraiment, puisque cet ouvrage poussiéreux remontait au XVIIe siècle, à 1677
pour être précis...
Au sommaire de cette page :
- Le Mutus Liber ou le livre muet de l'alchimie
- Est-ce que la transmutation est possible ?
- Les trucages ou fausses transmutations
- Si la transmutation est possible... Est-ce que l'alchimie le permet ?
- Quel est le but de l'alchimie ?
- Qu'est-ce que l'alchimie ?
- Les méthodes du Grand Oeuvre
- Les phases du Grand Oeuvre
- Quelle est la matière première du Grand Oeuvre ?
- Les matières de départ du Grand Oeuvre
- La médecine universelle, fontaine de Jouvence ?
- Réussir le Grand Oeuvre : encore possible de nos jours ?
- Le particulier de Blaise de Vigenère
- Et si la matière de départ était la pechblende ?
- Adeptes ou pas ?
Le Mutus Liber ou le livre muet de l'alchimie
Pour toute pratique, telle qu'apprendre la mécanique ou les mathématiques, les ignorants n'enseignent pas dans les universités. Seuls les sachants peuvent donner des cours. En Alchimie, c'est tout le contraire ; comme si, au pays des aveugles, les borgnes étaient rois.
A-t-on jamais vu un authentique Adepte - donc un alchimiste arrivé au terme du Grand Oeuvre - transmettre toutes les arcanes de l'art d'Hermès à des classes entières ? A défaut, certains ouvrages ont traversé les siècles, dont le Mutus Liber.
Peu de mots sont écrits dans celui-ci, uniquement en latin, parmi lesquels : « Lege lege lege relege ora labora et invenies » (Lis, lis, lis, relis, prie, travaille et tu trouveras). Tout le reste n'est qu'images où un couple travaille parmi des balances, des fourneaux et des personnages insolites. Voilà qui était bien mystérieux, propre à éveiller la curiosité du gamin que j'étais.

Première page du Mutus Liber, version colorisée. Les chiffres renvoient à des passages de la Bible : facile à trouver jusque-là...
Les auteurs auraient été Altus et Jacob Saulat, sieur des Maretz. On en attribue aujourd'hui la paternité à Isaac Baulot. Le Journal des sçavans avait consacré un article à cet ouvrage en août 1677.
De manière contradictoire, ce livre restait incompréhensible, bien que composé de dessins parcimonieusement agrémentés de latin, langue universelle de l'ancien monde civilisé. Quelle connaissance possédait assez d'importance pour mériter d'être, tout à la fois, exprimée sans l'être vraiment, visible et insaisissable en même temps ?
Comme je l'appris plus tard, la clé reposait sur l'étude du symbolisme. La chose n'est pas la chose, mais l'idée de la chose. Pour comprendre, il faut la mettre en mouvement pour lui donner vie, puisque vie et mouvement sont indissociables. Il faut aussi acquérir une culture du symbolisme alchimique, qui est particulier.
Dans les années qui suivirent, je lisais d'autres ouvrages classiques : Les figures hiéroglyphiques de Nicolas Flamel, où celui-ci racontait son pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle ; Hermès dévoilé où l'infortuné Cyliani nous relatait son parcours mouvementé ; Le mystère des cathédrales et Les demeures philosophiques de Fulcanelli...
J'ai commencé mes premières expériences en 1982, à l'âge de 22 ans, avec la récolte du sel de rosée. Voilà comment se sont déroulés mes premiers pas sur le chemin de l'Alchimie.
Est-ce que la transmutation est possible ?
Oui. C'est devenu absolument certain depuis 1919.
« La notion de transmutation a semblé absurde aux positivistes. Pourtant, Ernest Rutherford, en 1919, réalise la première transmutation artificielle : en bombardant de l'azote avec les rayons alpha du radium, il obtient de l'oxygène. » 1
En d'autres termes, Rutherford a transmuté l'azote, corps simple de la table de Mendeleïev de numéro atomique 7, en oxygène de numéro atomique 8. Par conséquent, il s'agit indéniablement d'une transmutation.
La transmutation peut également se produire de manière naturelle. Par exemple, après 700 millions d'années, l'uranium 235 se transformera progressivement en plomb.
« L'uranium 235 se désintègre avec une demi-vie de 700 millions d'années environ, son produit final de désintégration, stable, est le plomb 207 » 2
Expériences dans des accélérateurs de particules
Dans le milieu des années 1990, j'avais entendu dire que des collisionneurs avaient été utilisés pour réaliser le vieux rêve des alchimistes. L'idée était simple : prendre un élément plus lourd que l'or pour en retirer les nucléons superflus. Une cure d'amaigrissement de la matière, en quelque sorte...
Exemple :
- Or : 197 nucléons répartis en 79 protons et 118 neutrons.
- Plomb : 208 nucléons répartis en 82 protons et 126 neutrons.
- Différence à retirer : 11 nucléons, dont 3 protons et 8 neutrons.
Pour arracher les nucléons en trop, on procède au tir de neutrons projetés à une vitesse proche de la lumière sur un noyau atomique. Grâce à cette technique de transmutation, des atomes d'or auraient été obtenus.
Malheureusement, ils se désagrégeaient en quelques millionièmes de seconde tout en émettant une forte radioactivité, à cause de leur noyau atomique instable.
En effet, le tir de particules à très haute vitesse sur une cible ne permet pas de reconstruire un équilibre stable des nucléons. C'est comme si l'on tirait une charge de chevrotines sur un bloc de marbre pour sculpter le Discobole... Cela enlèvera trop à certains endroits et pas assez à d'autres.
A mon avis, le mercure ferait une meilleure cible que le plomb, car il compte 80 protons et 200 neutrons. La différence sera moindre, certes, mais le problème restera le même. A force d'acharnement, on finira certainement par obtenir quelques atomes d'or stables. Malgré tout, étant donné le coût de fonctionnement d'un collisionneur, cela ne présentera absolument aucun intérêt en termes de rentabilité.
Les trucages ou fausses transmutations
Le trucage le plus connu et le plus grossier consiste à mélanger de l'or au mercure, puis à volatiliser le mercure. Seul l'or restera.
Aussi, si vous voyez un prétendu alchimiste mettre 100 grammes de mercure dans un creuset, puis chauffer le creuset au rouge (ce qui correspond à une température supérieure à 800 degrés celsius), et retirer 10 grammes d'or, vous êtes en droit de douter.
Si, de plus, l'or obtenu est inférieur à 24 carats, et donc contient d'autres métaux, il devient difficile de ne pas évoquer la possibilité d'une supercherie.
Pour mémoire, le mercure est liquide à température ambiante, et le plomb fond à 300 degrés celsius. Pas besoin de monter à 800 degrés et plus...
Les autres fraudes consistent essentiellement en creusets à double-fond ou des baguettes contenant de l'or. Il s'agit d'introduire l'or de manière suffisamment discrète pour que les témoins ne le remarquent pas.
La manière la plus sûre d'éviter les supercheries est que :
- l'alchimiste ne soit pas présent lors du test.
- les opérateurs devront utiliser leur propre matériel, leur propre mercure ou plomb soigneusement testé, pour être certain qu'il n'y ait pas de traces d'or accidentelles.
- Les opérateurs seront passés au détecteur de métaux avant d'entrer dans le laboratoire, qui sera également inspecté, afin d'éviter que de l'or y soit dissimulé.
- Le tout devra être filmé sous plusieurs angles de vue.
- Le résultat de la transmutation devra donner un poids d'or supérieur à celui de la poudre de projection, afin d'éviter un trucage à l'aide de sels d'or.
Si la transmutation est possible... Est-ce que l'alchimie le permet ?
La question est élémentaire et binaire : possible ou pas ? Par conséquent, il suffit d'une seule expérience réussie pour prouver la réalité du phénomène, à partir du moment où cette expérience ne peut pas être remise en cause.
Dans l'idéal, une telle expérience devrait être menée alors que l'alchimiste n'est pas présent (impossible pour lui de faire un tour de passe-passe) ; et que l'expérimentateur soit honnête et pense que la pierre philosophale n'existe pas (donc il ne trichera pas).
Pour que l'expérience de transmutation échoue, toutes les conditions sont donc réunies. Mais plusieurs cas répondant à ces critères ont été relevés par le docteur Gérard d'Encausse 3, dont un particulièrement surprenant que voici.
Johann Friedrich Schweitzer dit Helvetius, était un médecin qui ne croyait pas dans l'alchimie. Au contraire, il était proche des Encyclopédistes. Mais, en décembre 1666, un inconnu lui remit une minuscule quantité de poudre de projection. La première expérience d'Helvetius avec du plomb échoua : il ignorait qu'il fallait jeter la poudre de projection enrobée de cire dans le creuset, sinon elle se volatilise. Le mystérieux visiteur le lui confirma lors d'une deuxième visite, puis disparut après. La seconde expérience d'Helvetius fut un succès. Il rapporte cela dans son livre Vitulus Aureus en 1667.
Jusque-là, rien de bien extraordinaire ; en mon for intérieur, je me suis dit : « Tout médecin qu'il est, Helvetius est devenu brusquement fou, il a écrit ce qui lui passait par la tête. »
Mais l'or obtenu lors de cette transmutation fut testé par de tierces personnes :
« Tous les orfèvres de la Haye estimèrent très haut le degré de cet or. Povelius,
essayeur général des monnaies de la Hollande, le traita sept fois par l'antimoine
sans qu'il diminuât de poids. »
J'ai alors pensé que ceux ayant raconté cette histoire étaient des imposteurs, et
que tout était faux, jusqu'à ce que je trouve une lettre de Baruch Spinoza venant
confirmer la réalité des faits :
« Pour en avoir le coeur net, je me rendis chez le monnayeur
Brechtel, qui avait essayé l'or. Celui-ci m'assura que, pendant sa fusion, l'or
avait encore augmenté de poids quand on y avait jeté de l'argent. Il fallait donc
que cet or, qui a changé l'argent en de nouvel or, fût d'une nature bien particulière. »
3
Pour mémoire, Spinoza est un philosophe célèbre. Ses livres sont dans les bibliothèques de toutes les grandes universités du monde. C'est un auteur sérieux et reconnu.
Tant qu'à Brechtel, ce n'était pas le premier venu : il était le monnayeur du duc d'Orange, Guillaume III d'Orange-Nassau qui devint plus tard roi d'Angleterre.
Quel est le but de l'alchimie ?
La plupart des gens croient qu'il s'agit de changer le plomb en or. Probablement est-ce à cause des films « Angélique, marquise des anges » avec l'emblématique alchimiste Geoffray de Peyrac, incarné par Robert Hossein dans les années 1960.
Mais la transmutation n'est qu'un test, car l'or n'est pas une fin en soi. D'ailleurs, il serait plutôt le diable qui fait tourner le monde, à voir le triste spectacle de nos sociétés dites modernes. Pour des pièces en métal précieux et des billets de banque, des hommes perdent leur honneur et leur liberté, des femmes leur vertu. Il fabrique des criminels dont les pires dirigent parfois des Etats.
Dans ces conditions, faudrait-il ajouter encore quelques lingots ? Par conséquent, un alchimiste authentique et sincère ne peut, en aucun cas, en faire le but de sa quête.

J.P Morgan disait : « L'or est la seule vraie monnaie, tout le reste n'est que du crédit ». Mais un alchimiste n'est pas un banquier.
Une autre raison de pratiquer l'alchimie est la recherche de la médecine universelle, censée pouvoir guérir l'homme de toutes ses maladies. Elle pouvait, paraît-il, rendre la santé et la jeunesse aux vieillards, ainsi que d'allonger la durée de la vie jusqu'à un millier d'années, voire même de rendre immortel.
Cependant, que se passerait-il si un tel remède était donné à la population mondiale ? Notre planète est déjà surpeuplée par rapport aux ressources disponibles. Ce serait encore pire si plus personne ne venait à mourir. Nous finirions par tous nous entretuer pour la dernière canette de soda...
La dernière raison est la plus intéressante. La pierre philosophale permettrait à l'alchimiste d'accéder à des plans supérieurs de l'existence. D'ailleurs, c'est ce que j'écrivais dans mon roman Reborn Express : « L'alchimiste cherche la rédemption et la transcendance, il est la matière première de son propre Grand Oeuvre, tout en accomplissant celui de la nature... »
Dans l'Ancien Testament, Adam et Eve sont chassés du paradis à cause de leur faute : avoir goûté au fruit défendu. Symboliquement parlant, la rédemption signifie racheter ses péchés et, peut-être, pouvoir de nouveau entrer dans le jardin d'Eden.
Mais deux arbres existaient au paradis : celui de la connaissance du bien et du mal, cause de la chute d'Adam et d'Eve ; ainsi qu'un second, celui de la connaissance, qui était gardé par deux chérubins armés d'épées de feu. Ce dernier aurait pu donner à Adam le même pouvoir qu'à Yahvé-Dieu, raison pour laquelle l'accès lui en était interdit.
Pratiquer l'alchimie, c'est vouloir goûter au fruit de ce deuxième arbre. De par mes recherches, je peux vous garantir que les épées de feu des deux chérubins existent vraiment.
En effet, oeuvrer à la pierre philosophale est dangereux, notamment lors de la fusion du régule martial étoilé à la fin des travaux d'Hercule. N'avez-vous jamais vu un creuset exploser, projetant toutes sortes de matières ignées à quelques mètres de vous ? Je ne vous le souhaite pas. Sans parler des autres pièges...
Les autres pièges de l'alchimie
Le plus fréquent est la ruine, comme le raconte Cyliani dans Hermès dévoilé. Il avait englouti tout son argent dans ses recherches.
Vient ensuite l'empoisonnement provoquant de graves problèmes de santé, comme ce fut le cas pour Issac Newton : perte d'appétit, fatigue extrême, dépression et même hallucinations4.
« Après la gravitation, Newton s'intéresse à la nature des couleurs, affine le calcul des fluxions, explore le domaine de l'optique, et se passionne pour l'alchimie, qui le rendra malade du saturnisme sans doute dès 1693. » 5
En effet, Isaac Newton avait commencé le Grand Oeuvre, puisqu'il avait obtenu plusieurs régules à partir des matières de départ. La plupart des gens ignorent qu'il était alchimiste. D'ailleurs, il a davantage écrit sur l'alchimie que sur l'astronomie. Le secret s'est progressivement dissipé après la vente aux enchères chez Sotheby's, en 1936, d'une malle contenant ses manuscrits sur l'art d'Hermès. Derrière l'astronome se cachait le physicien, l'observateur du monde voulant aller du plus petit au plus grand...
L'instabilité des composés est le troisième grand danger :
- Les trois composants de la poudre noire sont le soufre, le salpêtre et le charbon de bois.
- Le salpêtre et le soufre étaient fréquemment utilisés par les alchimistes.
- Il ne manque plus que le charbon de bois pour faire exploser le creuset...
L'instabilité peut également être invisible. Pierre et Marie Curie avaient choisi un certain minerai comme matière de départ, exactement comme les alchimistes 6. Il s'agissait de pechblende, un minéral d'urane 45 fois plus radioactif que l'uranium ou le thorium, d'après Marie Curie 7.
Puis, toujours selon la logique alchimique, ils ont purifié le minerai et découvert le polonium en 1898. Poussant la séparation et l'affinage plus loin, Marie Curie a isolé le radium en 1902. J'imagine sa surprise en découvrant la lumière bleutée dégagée par le radium dans la pénombre. Peut-être a-t-elle pensé avoir découvert la pierre philosophale à ce moment-là ? Non, puisque les alchimistes savent que celle-ci émet un faible rayonnement rouge, pas bleuté.
Marie Curie est décédée d'une leucémie provoquée par la radioactivité. Si l'on désire consulter ses notes à la bibliothèque nationale, celles-ci sont conservées dans un coffre en plomb. Il faut revêtir une combinaison et signer une décharge. Comme quoi le danger n'est pas forcément visible à l'oeil nu...
Qu'est-ce que l'alchimie ?
On doit notamment à l'alchimie la découverte de l'acide acétique, citrique, muriatique, nitrique, sulfurique, tartrique, la potasse caustique, le phosphore, la notion de quintessence et même la porcelaine. A cet égard, Jacques Bergier écrivait que « l'alchimie est la seule pratique para-religieuse ayant enrichi véritablement notre connaissance du réel. » 8
Le nom d'alchimie est trompeur, faisant penser à un genre de chimie. Or, il s'agirait plutôt de physique-chimie, voire de physique nucléaire. En effet, étant donné que les composés chimiques ne contiennent pas l'énergie nécessaire à une transmutation, il faut bien que celle-ci provienne de quelque part.
Dès lors, il est tout à fait naturel de se rappeler des découvertes de Pierre et Marie Curie, en songeant que ce n'est que le sommet de l'iceberg, une partie d'un alphabet dont beaucoup de lettres restent encore à trouver.
Les méthodes du Grand Oeuvre
Elles sont au nombre de deux : la voie humide et la voie sèche.
La voie sèche
Celle-ci se pratique avec des creusets. Il s'ensuit que la dépense en matériel reste des plus raisonnables. L'inconvénient est le manque de visibilité pour l'alchimiste : « A l'inverse de la voie humide, dont les ustensiles de verre permettent le contrôle facile et l'observation juste, la voie sèche ne peut éclairer l'opérateur » disait Fulcanelli 9.
Le Grand Oeuvre pourrait être achevé en 4 jours à l'aide de cette technique. Malheureusement, c'est la plus dangereuse. En effet, de hautes températures sont indispensables, ce qui augmente le risque d'accident.
La voie humide
C'est la voie la plus ancienne, dite longue, car 18 mois seraient nécessaires. La dépense sera plus élevée à cause des verreries de laboratoire, car celles-ci sont plus coûteuses que les creusets.
L'avantage est la visibilité obtenue grâce aux ballons en verre, ainsi qu'un danger amoindri puisque l'opérateur travaillera à des températures modérées.
Les phases du Grand Oeuvre
Tout commence par les travaux d'Hercule, étape la plus difficile consistant à trouver les matières de départ et à préparer correctement celles-ci.
Puis, dans la voie humide, les phases se succèdent ainsi : la putréfaction, l'oeuvre au blanc, l'oeuvre au rouge ou pierre philosophale. Dans le cas de la voie sèche, on suppose que la putréfaction, l'oeuvre au blanc et au rouge se succèdent lors de la grande coction finale.
La médecine universelle est la pierre philosophale sous sa forme saline, diluée dans une liqueur. Sa couleur jaune lui vaudrait le nom d'or potable, bien qu'elle ne contienne aucune parcelle du précieux métal. Sous cette forme, elle préserve la santé et allongerait la durée de l'existence.
Conjointe au germe de l'or par fusion, la pierre philosophale devient poudre de projection utilisée pour la transmutation. Elle est de couleur rouge si elle se présente en bloc, ou jaune si elle a été pulvérisée. Elle est impropre à la consommation humaine, rappel symbolique du choix entre l'or et la vie... Il faut l'enrober de cire avant de la jeter dans le plomb fondu, autrement elle se volatilisera en pure perte.
Quelle est la matière première du Grand Oeuvre ?
Il n'existe qu'une seule materia prima : le Mercure des Philosophes, une quintessence impalpable et insaisissable. La pierre philosophale est un aimant qui l'attire et le fixe en son sein, grâce à sa structure cristalline particulière. La grande volatilité de « ce mercure » explique le choix d'Hermès pour le symboliser.
Ailé de pied en cap, du casque jusqu'aux chevilles, Hermès semble être en apesanteur, impossible à mettre en cage.
Notez également la présence du caducée symbolisant la médecine universelle censée guérir toutes les maladies. De nos jours, les objectifs de la médecine ont été revus à la baisse, d'où l'abandon de l'ancien symbole remplacé par le bâton d'Asclépios...
Les matières de départ du Grand Oeuvre
Le Grand Oeuvre commence par les travaux d'Hercule qui demandent trois matières de départ. Celles-ci permettront d'obtenir le régule martial étoilé, première étape du processus alchimique d'où seront tirés, par la suite, les principes du Sel, du Soufre et du Mercure. Elle est la plus fatiguante et la plus difficile à réaliser.
Par tradition autant que par prudence, les matières de départ ne sont jamais désignées de manière explicite. Ainsi, le Sel n'est pas le chlorure de sodium, le Mercure et le Soufre ne sont pas ceux du commerce. De plus, voilà quelques siècles, les noms donnés aux produits n'étaient pas les mêmes qu'aujourd'hui. Ces matières peuvent ne pas être les mêmes selon les auteurs canoniques de l'alchimie.
Egalement, mercure et soufre peuvent désigner des choses différentes selon la phase du Grand Oeuvre expliquée. Parfois même, ils font référence directement à la volatilité (mercure) ou à la fixité (soufre) d'un corps quelconque.
Pour compliquer l'affaire, les auteurs des manuscrits alchimiques n'ont pas tous été parfaitement honnêtes. Certains se sont contentés de compiler des connaissances livresques sans prendre les précautions d'usage. Dans ces conditions, il est difficile de retrouver un fil d'Ariane dans ce labyrinthe. Trouver les clés de cet hermétisme s'avère particulièrement compliqué.
Heureusement, l'un des ouvrages les plus réputés en ce domaine, le Mutus Liber, nous montre le processus alchimique et les matières de départ. Mais les auteurs ont respecté la règle puisqu'ils ne les ont pas nommées, nous laissant le plaisir de la recherche.
Première matière de départ
Apparemment, la planche IV du Mutus Liber ne devrait pas éveiller la curiosité d'un chimiste :
Mais elle prend tout son sens si un physicien pense à la chambre de Wilson et aux chambres à brouillard.
Le rayonnement cosmique est composé de particules à haute énergie venant des espaces interstellaires : notamment protons, noyaux d'hélium ainsi que rayons gamma et neutrons, ce qui nous rapproche de la physique nucléaire. Malgré la protection de la magnétosphère terrestre, une partie arrive au sol où les chambres à brouillard peuvent le détecter. Nous sommes continuellement exposés à ce flux de particules qui ne s'arrête jamais.
Dès lors, la récolte de la rosée prend un sens tout différent. Elle nous fait penser à l'eau lustrale exposée à la pleine lune, utilisée dans l'ancien temps pour des usages divers.
La rosée doit être recueillie à une période précise de l'année, indiquée dans cette planche du Mutus Liber. Il ne faut pas poursuivre après le lever du jour. Toute exposition à la lumière diurne doit être soigneusement évitée avant d'en retirer le Sel.
Il se peut que la préparation de ce sel soit un peu particulière 10.
Deuxième matière de départ
Sous le pied du personnage portant un croissant, ce qui ressemble à un tas de terre indique qu'il s'agit d'un minerai dont les parties superflues ont été retirées.
L'expression « Terre feuillée » a été utilisée pour désigner cette matière, parfois comparée à un livre fermé dont l'alchimiste découvrirait petit à petit les pages. Elle est nommée dans le Bréviaire de Nicolas Flamel ainsi que par Artephius 11.
A cause de son apparence, beaucoup d'alchimistes, et non des moindres, ont choisi la stibine (sulfure d'antimoine) et obtenu un régule martial étoilé de cette manière. Parmi ceux-ci, on trouve Isaac Newton 12.
Outre la stibine, les alchimistes ont aussi utilisé beaucoup de matières telles que le cinabre, la galène 13 et d'autres minéraux divers, comme des marcassites et des magnésies. Il est difficile de savoir ce qu'ils n'ont pas essayé.
En effet, si vous choisissez une matière plutôt qu'une autre, c'est à cause de certaines propriétés que celle-ci présente. Mais si vous n'en avez pas une idée précise, mieux vaut faire une pause, réfléchir et vous demander si vous avez fait le bon choix.
Troisième matière de départ
Le Mutus Liber ne nomme jamais de manière explicite les matières de départ, mais donne des indices pour identifier celles-ci. La plupart du temps, la correspondance astrologique entre les planètes et les métaux est l'une des clés.
Dans le figure ci-dessus, le personnage en cuirasse est assez simple à identifier, et par suite, la matière qu'il représente aussi. Sa couronne ornée de 7 pointes et l'absence de flèche à son arc sont également des indices.
Le régule martial étoilé
Cette opération est particulièrement dangereuse si elle faite en voie sèche, au creuset, car elle demande alors de hautes températures. Il s'agit d'effectuer la fusion entre les trois matières de départ précédentes. Mais cette conjonction est également possible en voie humide.
Obtenir un régule martial étoilé est une chose difficile, mais le réussir vraiment en est une autre.
Cette réalisation marque la fin des travaux d'Hercule. Il restera ensuite à confectionner
le Soufre et le Mercure des Philosophes, et enfin la conjonction des deux lors
de la grande coction, comme le rappelait Cyliani :
« D'un par un qui n'est qu'un sont faits trois, des trois deux et de deux un. »
La multiplication servira à augmenter, lors d'une ultime opération, la puissance de la pierre philosophale dans les proportions indiquées dans la planche XIII du Mutus Liber.
La médecine universelle, fontaine de Jouvence ?
Sur ce sujet, voici ce qu'écrit Cyliani, l'auteur de Hermès dévoilé :« La médecine universelle est un sel magnétique, servant d'enveloppe à une force étrangère
qui est la vie universelle.
Aussitôt que ce sel est dans l'estomac, il pénètre tout le corps jusqu'aux
dernières voies, en régénère toutes les parties, provoque une crise naturelle, suivie
d'abondantes sueurs, purifie le sang ainsi que le corps, fortifie ce dernier au
lieu de l'affaiblir, en dissolvant et chassant par la transpiration toutes les matières
morbifiques qui contrarient le jeu de la vie et ses courants. Ce sel fait aussi
disparaître par sa qualité froide toutes espèces d'inflammations, pendant que la
force étrangère de ce même sel se répand dans les principaux organes de la vie,
s'y détermine en les vivifiant. Voici l'effet de la médecine universelle, qui guérit
radicalement toutes les infirmités qui affectent l'homme dans le cours de sa vie,
et lui fait parcourir en bonne santé plusieurs siècles, à moins que Dieu en ait
ordonné différemment par son organisation. »
Néanmoins, d'après Cyliani, des limites existent à ce que peut accomplir l'élixir
de longue vie :
« Mais la vertu de la médecine universelle est purement médicinale
et non chirurgicale, elle ne peut remettre un membre coupé ou détruit entièrement. »
Dans Le livre des figures hiéroglyphiques, voici ce qu'en dit Nicolas Flamel :
« [...] ils en font une Thériaque qui a puissance sur toute
douleur, tristesse, maladie, infirmité & débilité, qui combat puissamment contre
la mort, allongeant la vie selon la permission de Dieu, jusques au temps déterminé
en triomphant des misères de ce monde [...] »
Pour sa part, Artephius aurait vécu plus de mille ans :
« Parvenu à l'âge de plus de mille ans, par la grâce de Dieu
et l'usage de mon admirable quintessence, j'ai résolu en ces derniers jours de ma
vie, de tout révéler au sujet de la Pierre Philosophale, sauf une certaine chose
qu'il n'est permis à personne de dire ni d'écrire... »
Elixir de longue vie, fontaine de Jouvence, médecine universelle... Beaucoup de gens n'osent en rêver, certes. Mais si un dictateur pouvait vivre mille ans, imaginez-vous le malheur qui en résulterait pour vous et vos descendants ?
Réussir le Grand Oeuvre : encore possible de nos jours ?
Etant donné la myriade d'ouvrages alchimiques ayant été écrits, tous les auteurs et passionnés ayant entrepris des recherches, une question vient forcément à l'esprit : pourquoi, de nos jours, personne ne semble avoir retrouvé le procédé ?
Dans l'absolu, les principales hypothèses sont les suivantes :
- Soit la pierre philosophale n'a jamais existé. Ce n'est pas absolument impossible, malgré tous les témoignages de transmutation devant témoins dans les quatre-cents dernières années 3.
- Soit le procédé a été décrit de manière tellement hermétique que plus personne n'y comprend rien aujourd'hui : beaucoup de chercheurs, mais plus de trouveurs.
- Soit il ne fonctionne plus à cause de la pollution généralisée de notre planète 14.
- Soit il fonctionne toujours, et ceux qui ont résolu le problème se cachent ou ne sont plus de ce monde.
En 1832, Cyliani estimait qu'un alchimiste parvenait au terme du Grand Oeuvre tous les 4 ans environ, ce qui ferait 25 par siècle 15. Et ils auraient tous réussi à passer inaperçus ? De nos jours, difficile de rester anonyme dans nos sociétés modernes, ou de vendre de l'or sans donner son nom.
Mais, dans tous les cas, il n'est pas possible de trancher, étant donné que l'absence de preuve n'est pas la preuve de l'absence.
En effet, à cause de princes et de rois, un certain nombre d'alchimistes, qu'ils aient trouvé la chrysopée ou pas, ont fini dans des geôles ou ont été torturés 16. Leur erreur aura été de ne pas être suffisamment discrets. Ceux qui savent vraiment se taisent, car la première leçon du Mutus Liber est le silence...
Dans un autre ordre d'idées, la dernière planche du livre d'Altus nous livre peut-être l'ultime clé du mystère. Elle semble représenter une mise au tombeau. Dans celle-ci, la dépouille mortelle de l'Adepte repose au sol comme un caput mortem inutile, pendant que son âme s'élève vers un plan supérieur de l'existence.
Car peut-être, finalement, vivons-nous à la surface d'un monde et en dessous d'un autre. Notre globe est un ballon de verre alchimique : ce qui est le plus léger, détaché de la matière, monte en haut. Le reste retombe en bas. Pour l'instant, nous sommes le reste.
Le particulier de Blaise de Vigenère
Dans une interview filmée, Eugène Canseliet nous avait fait un cadeau à tous.
Dans les premières minutes, il attire notre attention sur le particulier de Blaise de Vigenère, qui ne vise pas à obtenir la pierre philosophale, mais à utiliser certaines particularités de la matière pour obtenir une transmutation. Cela fait partie de l'archimie, qui est une branche mineure de l'alchimie.
Le principe de ce particulier repose sur la surfusion, un état particulier où se produisent d'intéressants phénomènes. Il s'agit de maintenir le plomb liquide alors qu'il sera en dessous de son point de fusion, le tout pendant une longue période de temps, afin que cette lente coction développe le grain fixe contenu dans le métal de Saturne. C'est ce que Blaise de Vigenère expliquait dans son Traité du sel et du feu publié en 1618 17.
Provenant de n'importe qui, une telle recette ne serait pas considérée comme sérieuse. Mais Blaise de Vigenère n'était pas le premier venu. Il a donné son nom au Chiffre de Vigenère, un système de chiffrement qui fut utilisé dans les ambassades pour échanger des correspondances et des secrets d'Etat. Cette méthode de cryptographie a résisté au déchiffrement pendant plus de deux siècles et demi, presque un record !
Dans ces conditions, expérimenter le particulier de Blaise de Vigenère devenait pour le moins pertinent. Devant son athanor, Eugène Canseliet s'est attelé à la tâche. Il n'a jamais expliqué sa manière de procéder en intégralité. Néanmoins, dans son livre Alchimie paru en 1964, il a indiqué le résultat :
« Par un procédé analogue, malheureusement non rentable à cause du temps et de l'argent dépensés, qui consista, surtout, à maintenir en surfusion du plomb, tout bonnement prélevé sur une couronne de tuyau à gaz et ne contenant, à coup sûr, la plus infime partie de noble métal, nous obtînmes, voici plus de quarante années, par le "grain fixe" développé, isolé puis projeté sur du mercure ordinaire, un lingot pesant cent grammes de l'or le plus magnifique. »Seules de petites quantités pourraient être obtenues par ce procédé, car il est difficile de maintenir du plomb en surfusion sur de longues périodes.
Si d'autres expérimentateurs ont réussi, ils sont restés particulièrement discrets. Probablement Blaise de Vigenère et le Maître de Savignies avaient-ils un tour de main particulier.
Nota bene : un autre particulier intéressant est celui décrit par Tiffereau dans ses mémoires à l'Académie des Sciences dans les années 1880 18, et qui lui aurait permis de transmuter de petites quantités d'argent en or. Malheureusement, il ne serait pas parvenu à reproduire ses expériences en France.
Et si la matière de départ était la pechblende ?
Même si je n'y crois guère, il convient de citer les travaux d'Albert Cau. Faisant le constat, pour sa part, de l'absence de corps simples possédant les propriétés de la pierre philosophale, il en déduisit qu'il s'agissait d'un élément de la table de Mendéléïev encore inconnu, qu'il avait baptisé Trinitium (Tn) 19.
De plus, il avait noté, comme d'autres avant lui, que les composés chimiques ne peuvent pas contenir l'énergie nécessaire à la transmutation, étant donné que ceux-ci agissent sur les couches électroniques des atomes. Il pensait également que la multiplication de la pierre présentait toutes les caractéristiques d'une réaction en chaîne.
Pour ces raisons, il croyait que la matière de départ était la pechblende. En enrichissant celle-ci d'une certaine manière, il pensait obtenir la fusion d'une partie des noyaux atomiques de l'uranium, de manière à produire du trinitium de synthèse, puisque cet élément n'existe pas à l'état naturel.

Ce corps superlourd aurait pu arracher les nucléons superflus du mercure ou du plomb, qui sont les corps simples les plus proches de l'or, dans le but de procéder à des transmutations.
D'un autre côté, cela pourrait expliquer l'absence d'alchimistes parvenus au terme du Grand Oeuvre : après des décennies d'irradiation à travailler sur la pechblende, ils auraient tous fini par mourir d'un cancer ou d'une leucémie, exactement comme Marie Curie.
Mais, avant de décéder, ils auraient eu le temps d'effectuer quelques transmutations devant témoins, d'où les nombreux récits. Et la mise au tombeau de la planche XV du Mutus Liber ? Elle deviendrait alors facile à expliquer.
Je vous donne cette hypothèse pour ce qu'elle vaut, mais elle coche tout de même quelques cases dans ce grand mystère...

Le Barchusen animé
Adeptes ou pas ?
Pour mémoire, Adepte désigne un alchimiste parvenu au terme du Grand Oeuvre. Bien des personnages ont parsemé l'épopée alchimique au cours des siècles. Voici quelques-uns des plus connus.
Nicolas Flamel
Qui était vraiment Nicolas Flamel ? Il serait né vers 1330 ou 1440, aurait exercé la profession d'écrivain public et serait mort en 1418 à Paris. D'après l'abbé Villain, Flamel n'aurait jamais été alchimiste. Le religieux dresse plutôt le portrait d'un bourgeois ayant réalisé des investissements judicieux, et dont la fortune était inférieure à ce que la rumeur prétendait.
D'autre part, l'ouvrage le plus connu attribué à Nicolas Flamel est Le Livre des figures hiéroglyphiques paru en 1612 20, soit près de deux siècles après son décès. D'autres suivront au fil du temps, dans des styles plus ou moins semblables, ce qui fera dire que, même si le nom de l'auteur est identique, la main tenant la plume était différente. Mais a-t-elle jamais été celle de Flamel ?
Assez intriguant, le manuscrit La vraie pratique de la noble science d'alkimie conservé à la Bibliothèque nationale de France21, comporte à la fin du texte la phrase suivante : « Le présent livre est et appartient à Nicolas Flamel, de la paroisse Saint Jacques de la Boucherie, lequel il l'a escript et relié de sa propre main. » Il daterait des années 1400. Il semblerait donc que Flamel s'intéressait vraiment à l'alchimie, outre le symbolisme des décors ornant son tombeau au cimetière des Innocents.
D'après Le livre des figures hiéroglyphiques, Nicolas Flamel aurait accompli sa première transmutation le 17 janvier 1382, vers midi, dans sa maison sise à l'angle ouest de la rue Marivaux et de la rue de la Pierre-au-Lait (qui deviendra rue des Ecrivains vers 1439). Cette demeure sera détruite en 1856 lors du percement de la rue de Rivoli.
D'ailleurs, elle tombait en ruine : les recherches intempestives des pilleurs, parfois menées à la pelle et à la pioche, l'avaient fragilisée. De tous les temps, ce fut probablement la maison la plus fouillée de France. De nos jours, son emplacement correspondrait à l'angle occidental de la rue Nicolas Flamel, en avançant de quelques mètres vers le centre de la rue de Rivoli, à quelques pas de la tour Saint-Jacques.

Maison où habitait Nicolas Flamel, rue Marivaux à Paris (plan de Bretez-Turgot de 1736). A l'époque de Flamel, elle était moins haute. Il n'en reste rien aujourd'hui.
Dame Perrenelle, l'épouse de Nicolas Flamel, décédera en 1397. En 1418, Ce sera au tour du célèbre alchimiste, 21 ans après sa femme. Selon la légende, ils ne seraient pas morts : des morceaux de bois auraient été placés dans leurs cercueils. Leurs tombes se trouvaient au cimetière des Innocents qui sera détruit en 1786, et dont les ossements seront transférés dans les catacombes de la Tombe-Issoire.
Dans son livre Voyage du Sieur Paul Lucas22 paru en 1712, Paul Lucas, antiquaire du roi, avait voyagé en Turquie. Un derviche lui raconta qu'il avait rencontré Nicolas Flamel aux Indes trois ans plus tôt. L'alchimiste aurait également été vu à Paris, à l'Opéra, en 1761 23. Mais cela est à mettre au conditionnel.
Si l'abbé Villain n'a pas trouvé de preuves absolument certaines d'un Flamel alchimiste 24, c'est peut-être qu'il n'en existe pas. Voire qu'elles ont fini par disparaître, le temps aidant. Après tout, cette histoire remonte au XIVe siècle. Et finalement, que prouve l'enquête de l'abbé Villain ?
Lorsqu'un un arc-en-ciel apparait quelque part, l'absence de témoins n'ôte rien à son existence. Après tout, si Nicolas Flamel et sa femme Perrenelle vivaient heureux quelque part aux Indes - ou dans n'importe quel pays - qui s'en offusquerait ?
Cependant, supposons que Flamel ait trouvé l'élixir de longue vie, et que la mort de Perrenelle en 1397 ait été factice, donnant lieu à un enterrement simulé. Mais, dans ce cas, aurait-il laissé son épouse seule pendant plus de 20 ans, se contentant d'aller la voir de temps en temps ? Surtout à cette époque où une femme seule était plus vulnérable qu'aujourd'hui.
D'autre part, trois ans avant sa mort en 1418 vers l'âge de 80 ans, l'alchimiste intentait un procès à l'un de ses locataires, afin de récupérer la somme de 2 livres et 2 sols. Cela correspondrait à environ à 300 euros d'aujourd'hui, soit 6 grammes d'or tout au plus. L'abbé Villain en donne les détails dans son livre.
Vous donneriez-vous la peine d'intenter un procès pour quelques grammes d'or, si vous pouviez en fabriquer vous-même quelques kilos ? A cause de ces deux raisons, on peut douter que l'alchimiste de la rue Marivaux ait possédé la médecine universelle, étape qui précède la poudre de projection.
Pour les Parisiens instruits, la maison la plus ancienne de Paris date de 1407. Elle se trouve au 51 rue de Montmorency. Nicolas Flamel l'avait fait construire pour accueillir gratuitement les nécessiteux, à condition qu'ils récitent un Patrenostre et un Ave Maria chaque jour : c'était oeuvre de charité.
Elle devint une maison de galanterie pendant la Deuxième Guerre mondiale, puis une discothèque dans les années 1980, avant de retrouver sa vocation originelle d'auberge. De nos jours, on y sert un dessert à la feuille d'or. A l'intérieur de ce cadre profane, les gens aisés ont remplacé les pauvres d'autrefois.
Mais le paiement en prières n'y a plus cours...
Le comte de Saint-Germain
Sous le règne de Louis XV, Casanova avait rencontré le comte de Saint-Germain. Il pensait qu'il s'agissait d'un habile sophiste. D'ailleurs, c'est ce qu'il a écrit dans ses mémoires, allant jusqu'à le qualifier de charlatan. Apparemment, la transmutation d'une pièce d'argent en or, que le comte avait accompli devant le Vénitien, n'avait pas convaincu ce dernier 25.
Il est vrai qu'ils étaient plus ou moins concurrents, s'étant succédé auprès de la même bienfaitrice, Madame d'Urfé : le principe des vases communicants fit ruisseler une centaine de milliers d'écus sur le comte, avant que Casanova ne fasse des constellations de diamants avec les cadeaux de cette précieuse amie.
Toutefois, des hommes tels que Casanova et Saint-Germain n'occupaient pas la même marche de l'escalier. Résumer le comte à une sorte d'aventurier profitant de nobles crédules est un jugement prématuré.
Il arborait tous les signes d'une bonne éducation et d'une grande fortune. D'où provenait-elle exactement ? Personne n'en était vraiment certain. Etant donné qu'il était un excellent chimiste, ayant notamment travaillé sur les teintures, on supposait qu'il la devait à Hermès Trismégiste ainsi qu'à l'Art royal.
Certes, ses protecteurs lui donnèrent de fortes sommes. Mais comment expliquer la quantité de pierres précieuses dont il semblait disposer ? Il ne s'agissait pas de verre coloré ni de vulgaires brillants, sans quoi il eut rapidement été démasqué. Comment s'y était-il pris pour faire disparaître la tache dans le diamant de Louis XV 26 ?
Notamment, il prétendait pouvoir fondre une douzaine de petits diamants pour en former un gros. Sa science des gemmes, il prétendait l'avoir apprise dans sa jeunesse, alors qu'il voyageait aux Indes, contrées dans lesquelles Nicolas Flamel aurait été aperçu dans le même siècle.
Le comte passa dans un monde meilleur à Eckernförde en Allemagne, en 1784, peu avant la Révolution française. Des fouilles furent pratiquées ultérieurement dans son tombeau, mais son corps n'y fut pas retrouvé, semble-t-il. Dans les décennies qui suivirent, quelques personnes affirmeront l'avoir rencontré au hasard de leurs voyages.
Saint-Germain était-il un charlatan comme le prétendait Casanova, ou bien un authentique Adepte ? Fasciné par ce mystérieux personnage, Napoléon III avait fait rassembler tous les documents disponibles. Ses informations furent-elles plus concluantes que celles du Vénitien ? On ne le saura jamais, car le dossier brûla lors de l'incendie des Tuileries en 1871, lors de la Commune de Paris.
Cependant, les Souvenirs de la marquise de Créquy nous renseignent sur Saint-Germain. Elle l'aurait personnellement rencontré 27. Elle confirme ce que Casanova disait : le comte aurait été un escroc. Le récit de cette dame, composé d'anecdotes croustillantes concernant le supposé Adepte, ne laisse aucune place au doute. Il serait difficile d'ignorer ce témoignage, surtout à l'heure d'Internet.
Dès lors, l'histoire avec Louis XV serait à comprendre autrement : Saint-Germain aurait remplacé le diamant par un autre, suffisamment ressemblant et sans tache. La confiance du roi acquise, il aurait pu écouler son eau de Jouvence auprès des aristocrates. Pour en posséder une fiole, il fallait verser 200 louis d'or au comte, rien de moins 28. Or, une telle pratique est absolument indigne d'un authentique Adepte.
D'un autre côté, dans quelle mesure les Souvenirs de la marquise de Créquy sont-ils une source fiable, car selon les avis, ils auraient été écrits, du moins en partie, par Maurice Cousin de Courchamps, voire même seraient complètement apocryphes.
Quoi qu'il en soit, les rumeurs sur l'immortalité de Saint-Germain ne sont pas prêtes de s'éteindre... L'avant-dernière fois où le comte aurait été aperçu, ce serait en 1939 par un aviateur américain au Tibet, selon Louis Pauwells et Guy Breton.
Le dernier en date fut Richard Chanfray, né en 1940 et mort en 1983, ancien compagnon de la chanteuse Dalida. Il incarnait le personnage de Saint-Germain non sans une imagination fertile. Devant les caméras de télévision, il avait même réalisé une expérience de transmutation en 1972, et dont les images sont encore visibles aujourd'hui 29.
Fulcanelli
Le point de départ remonte à la parution du Mystère des cathédrales en 1926 et des Demeures philosophales en 1930. Ces deux livres étaient signés de Fulcanelli. Eugène Canseliet, le préfacier, pratiquait l'art d'Hermès. Il avait mis en forme les notes que Fulcanelli lui avait remises.
L'auteur y faisait étalage de grandes connaissances en symbolisme et en alchimie. Pour certains exégètes, il ne faisait guère doute qu'il eût réussi le Grand-Oeuvre. D'ailleurs, c'est ce que soutenait son disciple Eugène Canseliet. Aussi, dans les décennies qui suivirent, nombreux furent ceux qui essayèrent de lever le voile. Quel était celui qui se cachait derrière le pseudonyme ?
Même Jean Schemit, l'éditeur, aurait été bien incapable d'en dire plus. Aussi, plusieurs noms furent évoqués dans la sphère alchimique française de cette époque : Pierre Dujols de Valois alias Magophon ; Schwaller de Lubicz ; le docteur Jobert ; Jollivet-Castelot ; Jules Viole ; Paul Decoeur ; Grasset d'Orcet et même Camille Flammarion. Sans oublier Julien Champagne, l'illustrateur des deux ouvrages, ainsi que, bien évidemment, Eugène Canseliet. Parmi eux, lesquels étaient les plus « fulcanisables » ?
Nous pourrions tout aussi bien nous trouver en présence d'un collectif d'auteurs composé de certains des personnages ci-dessus.
Lorsque la question lui était posée, Eugène Canseliet répondait invariablement qu'il n'était pas Fulcanelli. Le Maître de Savignies sera probablement passé à côté de la pierre philosophale à un cheveu près, bien qu'il ait tenté la grande coction en 1938, malheureusement sans succès pour lui : l'oeuf philosophique s'était rompu consécutivement à une erreur de sa part, provoquant la grande aurore boréale de cette année-là, selon lui.
Henri Coton-Alvart, qui cherchait la pierre philosophale depuis plusieurs décennies,
pensait ceci des deux ouvrages signés Fulcanelli ;
« Je ne comprends pas la publication des livres de Fulcanelli,
en effet mon ami Pierre Dujols m'avait fait lire les manuscrits et les a passés
à quelqu'un d'autre qui les a publiés sous le nom de Fulcanelli. Je me les suis
procurés, mais je m'en suis aussitôt dessaisi. C'est une imposture. Je puis
en parler, j'ai connu tous les protagonistes de cette époque 30. »
Apparemment, ce mystère a dépassé les frontières du pays de Descartes, car il semblerait, d'après Jacques Bergier, que les services secrets américains se soient penchés sur ce dossier :
« L'auteur [Jacques Bergier] a eu des contacts à son retour des camps, en 1945, avec des membres du service de renseignements atomiques américain Alsos, et notamment avec le personnage que l'on appelait "Le Mystérieux Major". Il s'intéressait surtout au fameux alchimiste Fulcanelli qu'il ne retrouva d'ailleurs pas. C'est le seul exemple d'espionnage s'intéressant à l'alchimie au XXe siècle que l'auteur connaisse 31. »
Eugène Canseliet a raconté avoir retrouvé Fulcanelli à Séville en 1952, dans des circonstances assez curieuses. J'ignore si je dois entendre son récit au premier ou au deuxième degré, à la manière d'une allégorie. Fulcanelli aurait eu 113 ans cette année-là 32.
Mais, dans certains cas, la vérité est-elle moins difficile à trouver que la pierre philosophale ?
Notes et sources
- Rutherford, 1919, transmutation de l'azote
- Uranium 237 vers plomb 207
- La pierre philosophale, Papus, 1889, chapitre IV
Le docteur Gérard Encausse, dit Papus, a cité des cas où les alchimistes n'étaient pas présents lors de la transmutation, celle-ci ayant faite par des expérimentateurs croyant que la pierre philosophale n'existait pas, ce qui écarte les possibilités de fraude.
Papus cite également la lettre du philosophe Spinoza (1632 - 1677) qui avait questionné le fondeur ayant testé l'or transmuté d'Helvetius. Le texte de cette lettre se trouve dans les oeuvres posthumes de Spinoza (Opera posthuma, ouvrage datant de 1677, page 553). - Isaac Newton - une personnalité complexe (Wikipedia)
- Isaac Newton - saturnisme
- « Eugène Canseliet pensait que la démarche de Pierre Curie était alchimique :
"Selon Eugène Canseliet, "Fulcanelli connut très bien Pierre Curie" et il affirme
que celui-ci "recherchait dans la pechblende, la Médecine universelle, c'est-à-dire
la pierre philosophale";
et à un autre endroit :
"[...] ce qu'à l'ordinaire on ignore également, c'est que Curie cherchait la Pierre Philosophale dans les terres rares. Le Point de Curie, dégagé du degré calorique au-dessus duquel les corps ferromagnétiques passent à l'état paramagnétique, est assez significatif de l'orientation alchimique des travaux du savant." »
Extrait de « Voir les étoiles au fond du puits » de Michel Dziwak. - On devrait se poser la question de savoir où Pierre et Marie Curie stockaient
leur pechblende. Pour mémoire, le fort d'Aubervilliers a été contaminé radioactivement
par les travaux des époux Joliot-Curie vers 1920, ce qui a provoqué, dans les années
2000, des cancers chez des instituteurs de cette municipalité.
Voir : Les cancers inexpliqués des instits d'Aubervilliers (Le Parisien - archive) - L'alchimie - découvertes scientifiques par les alchimistes (Wikipedia)
- Fulcanelli, Les demeures philosophales (1930), Editions de Minuit, 1964, t. 2, p. 163.
- Voir
Le grand esclaircissement de la pierre philosophale, attribué à Nicolas Flamel, chapitre II, B.
Cette parenthèse sur le vin lunaire appelle à parler du tartre, plus précisément de la pierre de vin qui se forme à l'intérieur des tonneaux de chêne. Celle-ci contient du carbonate de potassium et du tartrate acide de potassium. J'attire votre attention sur le fait qu'il existe deux formes : la dextrogyre et la sénestrogyre. Il est préférable de souligner ce point.
Toujours concernant les tonneaux de chêne, j'ai relevé la coïncidence suivante :
- la maison de Flamel rue Marivaux avait été occupée, après lui, par un marchand de vins qui y entassait ses tonneaux. (Voir La maison de Flamel - Paul Lacroix)
- en 1900, un fabricant de tonneaux était installé à quelques pas de la maison de Flamel rue de Montmorency, à l'époque où celle-ci se nommait « Hôtel Helvetia », en 1900. (Voir Maison de Flamel rue de Montmorency en 1900) -
Dans le bréviaire attribué à Nicolas Flamel « Aviseras en abord prendre l'aîné du prime fils enfant de Saturne qui n'est mie le vulgal », voir :
Le Bréviaire de Nicolas Flamel
Pour Artéphius « L'antimoine est des parties de Saturne », voir :
Le Livre Secret du très ancien Philosophe Arthéphius - D'après Newton, le régule martial étoilé s'obtient ainsi :
« Le Régule Martial est fait en jetant 2 parties d'antimoine sur 1 de fer chauffée au blanc dans un creuset et en les mélangeant bien ensemble avec un peu de salpêtre pour activer la fusion. Lorsque c'est froid, on trouve au fond le régule, lequel, de nouveau mélangé 3 ou 4 fois avec du salpêtre, est ainsi purifié et lorsqu'il est froid il possède une surface plane (sous le salpêtre qui est alors couleur d'ambre claire) avec des dessins en étoile et on l'appelle Regulus Martis Stellatus. »
(manuscrit Don.b.15, f. 4v, cité par Dobbs,[3] p. 190) -
Eugène Canseliet a d'abord utilisé la galène, puis, à partir de 1950, l'antimoine.
Voir : Actes du colloque Fulcanelli 2011 - Dziwack Buchelot - La pollution chimique (notamment pesticides et engrais) et lumineuse
(éclairage public, routes) peut altérer les récoltes de rosée.
La pollution électromagnétique est omniprésente à notre époque, avec les lignes électriques, les antennes de radiotéléphonie et le wifi qui rayonnent dans tous les sens.
La pollution radioactive est partout présente sur notre planète depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale : Hiroshima et Nagasaki, tous les essais nucléaires y compris en haute atmosphère, Tchernobyl, Fukushima...
Par exemple, de nos jours, le plomb de surface est contaminé. Cela pose des problèmes pour étalonner les compteurs Geiger, car il faut des confinements exempts de radioactivité. Pour cette raison, le plomb provenant des bateaux engloutis vaut plus cher parce qu'il a été épargné...
Malheureusement, nous ignorons tout de la sensibilité du Grand Oeuvre aux conditions initiales, car les alchimistes de l'ancien temps opéraient vraiment dans des conditions « bio ». -
« Rois de la terre, si vous connaissiez le grand nombre de personnes
qui se livrent en secret et de nos jours à la recherche de la pierre philosophale,
vous en seriez étonnés, et si vous saviez qu'à peine un ou deux hommes ont le
bonheur de réussir dans l'espace de 3 à 4 ans, ce qui n'offre pas dans le commerce
le produit d'une mine d'or qui se découvre au Pérou ou ailleurs tous les 3 ou 4
ans, loin de faire rechercher ceux qui ont réussi et les tourmenter, vous les combleriez
de vos bontés en leur accordant votre appui et votre bienveillance afin qu'ils puissent
amplement servir l'humanité souffrante et vous faire participer aux bienfaits de
leurs découvertes. »
(Hermès Dévoilé, Cyliani, page 57 de l'édition Chacornac) - Alexandre Sidonius, également appelé le Cosmopolite, avait été torturé
et décéda des suites. Voir :
Le trésor des alchimistes (Jacques Sadoul) - Le particulier de Blaise de Vigenère dans son Traité du sel et du feu :
« Broyez les coupelles où cette vitrification (plomb vitrifié dans une coupelle pour en extraire son argent) s'est comme empâtée, et lavez-les bien avec de l'eau tiède, pour les dépurer de leurs crasses et immondices ; puis les mettez en un descensoire à très forte expression de feu de soufflets, avec du sel de tartre et sel nitre ; il descendra par le trou d'en bas une métalline, laquelle recoupellée avec du nouveau plomb, vous trouverez beaucoup plus de fin sans comparaison qu'à la première fois, et de là en avant toujours de plus en plus, en réitérant ce que dessus.
De manière que qui voudrait prendre la patience de décuire le plomb en un feu réglé et continuel qu'il n'excédat point sa fusion, c'est-à-dire que le plomb y demeurat toujours fondu, et non plus, y ajoutant quelque petite portion d'argent vif et de sublimé pour le garder de se calciner et réduire en poudre ; au bout de quelque temps on trouverait que Flamel n'a pas parlé frivolement, de dire que le grain fixe contenu en puissance au plomb, à savoir l'or et l'argent, s'y multiplieraient et croîtraient ainsi que le fruit fait sur l'arbre. » - L'or et la transmutation des métaux - Théodore Tiffereau - 1889
- Trinitium
- Le livre des figures hiéroglyphiques - Nicolas Flamel
(Edition de 1682 - Bibliothèque nationale de France)
Concernant le Livre des figures hiéroglyphiques, deux éléments sont particulièrement gênants :
- L'auteur indique qu'il habitait rue des écrivains. Or, à l'époque de Flamel, celle-ci s'appelait rue de la Pierre-o-Let. Elle commencera à être nommée rue des écrivains à partir de 1436. Or, Nicolas Flamel est mort en 1418. De plus, il habitait rue Marivaux...
- les dates de transmutation indiquées (17 janvier 1382, 25 avril 1382), montrent que l'année commence au 1er janvier pour l'auteur. Or, du temps de Flamel, elle commençait à Pâques, fête mobile qui eût lieu le 6 avril 1382. La deuxième date aurait donc dû être le 25 avril 1383.
L'auteur des Figures hiéroglyphiques était-il né au temps de Flamel ? Un écrivain public ignorant le nom de sa rue et ne connaissant pas le calendrier, cela fait tout de même beaucoup...
Il se peut que P. Arnaud, sieur de la Chevalerie et gentilhomme poitevin, ait disposé - on ne sait pas comment - de notes manuscrites de Flamel, pour les mettre en forme selon le style de son époque.
Au pire, même si cet ouvrage est d'un autre auteur, il peut conserver un intérêt opératif malgré tout. Toutefois, je le précise bien, cela ne prouve pas que Nicolas Flamel n'ait pas été alchimiste.
Tant qu'au fameux manuscrit d'Abraham le Juif, personne n'a jamais vu l'original, ni même aucune photographie, à ma connaissance. Uniquement des copies dont on peut questionner la véracité. - La vraie pratique de la noble science d'alkimie - Nicolas Flamel
(Bibliothèque nationale de France, Gallica, Fr.19978)
Sur le manuscrit, le nom « Flamel » a été gratté et repassé, mais le prénom et le reste de l'inscription ne laissent guère planer de doutes. -
Voyage du sieur Lucas - Paul Lucas, antiquaire du roi
(Tome 1, 1712, pages 106 à 107)
Dans le récit de Paul Lucas, la faille dans son récit est celle-ci :
- Le derviche lui raconte le triste sort qu'a subi son ami assassiné à Paris par un rabbin (chose déjà peu probable, mais passons).
- Comment le derviche aurait-il pu l'apprendre ? A moins d'avoir le don de double vue, je ne vois pas...
Si le récit de Paul Lucas est une invention, alors l'histoire des morceaux de bois dans les tombes de Nicolas Flamel et de son épouse Perrenelle, ainsi que le départ de celle-ci pour la Suisse, serait fausse aussi. Mais cela a nourri les rumeurs qui sont apparues ensuite. -
Nicolas Flamel : sa vie, ses fondations, ses oeuvres - Albert Poisson (page 110)
Malheureusement, si un peintre était présent pour faire le portrait de Flamel comme le prétend cette anecdote, le tableau ne nous est pas parvenu, de même qu'aucun récit d'un témoin qui l'aurait vu à l'Opéra.
D'autre part, mettez-vous à la place de Nicolas Flamel : vous feriez tout pour préserver votre anonymat, n'est-ce pas ? De peur de vous faire arrêter par quelque roi avide voulant vous arracher votre secret... Dans ces conditions, iriez-vous au spectacle en déclinant votre véritable identité ? - Histoire critique de Nicolas Flamel et de Pernelle sa femme - Abbé Villain
Avec un parti-pris évident, l'abbé Villain rejetait l'hypothèse d'un Nicolas Flamel Adepte. Néanmoins, la longue liste des documents officiels de l'époque - qu'il est impossible de mettre en doute - font apparaître une image tout à fait différente du célèbre écrivain public : plutôt celle d'un bourgeois affairiste et procédurier.
Pourquoi perdre du temps et de l'énergie à investir dans des rentes, des maisons et des procès - avec les tracas que cela suppose... -, si l'on dépense peu et que l'on peut fabriquer de l'or ? -
« Se levant alors, sans me dire ce qu'il allait faire, il prit un
charbon ardent qu'il mit sur une plaque de métal ; puis il me demanda une pièce
de douze sols qui se trouvait parmi plusieurs autres monnaies : il mit dessus
un petit grain noir, plaça la pièce sur le charbon qu'il souffla avec un chalumeau
de verre, et en moins de deux minutes, je la vis incandescente.
- Attendez, me dit alors l'alchimiste, qu'elle soit refroidie ; ce qui fut fait en une minute. « Prenez-la, ajouta-t-il, et emportez-la, car elle vous appartient.
Je la pris : elle était d'or. Je ne doutai pas un moment qu'il n'eût escamoté la mienne, en y substituant celle que je tenais et qui, sans doute, était blanchie à l'avance ; cependant je ne voulus pas lui en faire des reproches ; mais afin qu'il fût bien persuadé que je n'étais pas sa dupe, je lui dis :
- C'est admirable, comte ; mais une autre fois, pour être plus certain d'étonner le plus clairvoyant, il faut le prévenir de la transmutation que vous allez opérer ; car alors il pourra regarder attentivement l'opération, et remarquer la pièce d'argent avant que vous la placiez sur le charbon ardent.
- Ceux qui peuvent douter de ma science, me répondit le fourbe, ne sont pas dignes de me parler. »
(Mémoires de Casanova, tome septième, chapitre III)
Pourquoi Saint-Germain n'a-t-il pas fait une deuxième transmutation devant Casanova ? Convaincre le Vénitien était un objectif valable étant donné les relations dont celui-ci disposait, au lieu de lui répondre de manière hautaine et plutôt égocentrique. Refaire l'expérience n'aurait pris que quelques instants.
A moins que le comte n'ait eu peur d'être démasqué, au cas où Casanova aurait regardé de trop près... De plus, à cause de la nature de ses activités, Casanova était prédisposé à repérer les gens de son espèce.
Par « blanchie à l'avance », Casanova voulait dire une pièce d'or blanchie en passant du mercure dessus. En la faisant chauffer, le mercure s'évapore et l'or réapparait, donnant l'illusion d'une transmutation. -
« Le roi se fit apporter un diamant médiocre en grosseur, qui avait
une tache. On le fit peser ; et le roi dit au comte : « Il est estimé six mille
livres, mais il en vaudrait dix sans la tache. Voulez-vous vous charger de me faire
gagner quatre mille francs ? » Il l'examina bien et dit : « Cela est possible, et
dans un mois je le rapporterai à Votre Majesté. » Un mois après, le comte rapporta
le diamant sans tache ; il était enveloppé dans une toile d'amiante qu'il ôta.
Le roi le fit peser, et, à quelque petite chose près, il était aussi pesant. Le
roi l'envoya à son joaillier, sans lui rien dire, par M. de Gontaut qui rapporta
neuf mille six cents livres ; mais le roi le fit redemander pour le garder
par curiosité. »
(Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette - Jeanne Louise Henriette Campan) - Souvenirs de la marquise de Créquy, tome III, chapitre IV
- Saint-Germain vendait les fioles de son eau de Jouvence pour 200 louis
d'or chacune :
« Eh ! mon Dieu ! s'écria le prince de Craon, ne savez-vous pas ce qui vient d'arriver chez la Comtesse de Sennecterre ?
- Quoi donc ? quoi donc ? demanda Saint-Germain, qui lui avait cédé pour deux cents louis d'or (à prix coûtant) une petite fiole de son élixir. »
(Souvenirs de la marquise de Créquy, tome III, chapitre IV) - Comte de Saint Germain 1972 - documentaire et interview
-
Citation d'Alvart dans les Actes du colloque Fulcanelli 2011
Concernant Henri Coton-Alvart, tout n'a pas été dit. Probablement en est-il mieux ainsi. Songez au peu de sagesse des hommes dans l'usage des biens de ce monde...
Pour le reste, Alvart a été très clair : Le mystère des cathédrales et Les demeures philosophales ne seraient pas de Fulcanelli. Henri Coton précise qu'il a lu les manuscrits originaux, et qu'il les a comparés à la version éditée. Dès lors, on voit mal comment il aurait pu se tromper.
Quant au mot « imposture », il s'agit d'une personne se faisant passer pour ce qu'elle n'est pas.
Dès lors, un Fulcanelli de plume pourrait-il en cacher un autre, authentique Adepte celui-là : d'où venait la poudre de projection utilisée dans la transmutation de 1922 à l'usine de gaz de Sarcelles, telle que Eugène Canseliet prétend l'avoir vécue ? Il fallait bien qu'elle provienne de quelque part.
A moins que : soit cette transmutation n'a jamais existé, soit c'était un trucage que Eugène Canseliet n'aurait pas détecté (ce dont je doute, car s'il y avait eu trucage, il l'aurait vu). - Voir L'espionnage industriel - Jacques Bergier
L'opération Alsos avait notamment procédé au démontage de la première pile atomique allemande d'Haigerloch. Si celle-ci avait été opérationnelle plus tôt, les nazis auraient pu alors disposer d'uranium enrichi, l'un des composants essentiels pour fabriquer une bombe atomique. - Entretien avec Eugène Canseliet par Jacques Pradel
Quand Sel Y Est ou la véritable date du décès de Fulcanelli
Annexes
- Mutus Liber, Savouret, 1677 (Bibliothèque nationale de France)
- Mutus Liber, Savouret, 1677 (Téléchargement direct)
- Mutus Liber, Manget, 1702 (Bibliothèque du Congrès, Etats-Unis)
- Mutus Liber, Manget, 1702 (Téléchargement direct)
- Mutus Liber 1677 colorisé (téléchargement direct)
- Hermès dévoilé, Cyliani (Chacornac, archive.org)
- Hermès dévoilé, Cyliani (téléchargement direct)
- Notes inédites sur Hermès dévoilé
- Le livre des figures hiéroglyphiques - Nicolas Flamel (le-miroir-achimique.blogspot)
- Le livre des figures hiéroglyphiques - Nicolas Flamel
- Le Bréviaire de Nicolas Flamel (téléchargement direct)
- Le Livre Secret du très ancien Philosophe Arthéphius
- L'alchimie expliquée sur ses textes classiques, Eugène Canseliet.