
Les dix commandements de l'information
Voici quelques règles résumées sous forme de commandements. Journalistes ou correspondants de presse, mais aussi tous les autres communicants, sont concernés par ceux-ci.
- T'exprimer tu devras.
- La réalité tu décriras.
- L'information tu définiras.
- L'information tu ne pervertiras pas.
- Fraîches tes informations seront.
- Tu ouvriras tes yeux sur tout, car tout peut devenir une histoire.
- Raconte avant, pendant et après.
- Un reportage ne s'achète pas, il se mérite.
- Trouve le diamant caché dans le lustre en cristal.
- Des médias tu n'abuseras point.
Ces commandements demandent à être commentés, car leur simplicité n'est qu'apparente.

1. T'exprimer tu devras
Tout ce dont on parle existe : c'est la première règle de l'information. A l'inverse, tout ce dont on ne parle pas n'existe pas (première règle de la désinformation).
Dans le monde de l'information, quelqu'un qui ne s'exprime pas, n'existe pas. N'ayant pris aucune place dans l'univers des médias, le public ne saura rien de son existence. Même chose pour un événement : si personne n'en parle, qui le saura ?
La première chose est donc de s'exprimer, de dire les choses, de les transmettre au plus grand nombre de personnes.
S'exprimer, c'est aussi devenir un acteur de l'information, ne plus rester spectateur. En effet, diffuser des informations peut modifier le cours des événements.

2. La réalité tu décriras
Toutes les décisions que nous prenons sont basées sur de l'information. Or, mauvaises informations = mauvaises décisions.
L'information doit donc rapporter la réalité telle qu'elle est, sans chercher à l'interpréter : toute interprétation, étant par nature subjective, diminue la fiabilité de l'information.
Supposez que les informations que vous receviez soient toutes interprétées : plus besoin de penser puisque quelqu'un l'aurait déjà fait à votre place. De plus, vous interpréteriez ce qui est déjà une interprétation. Dans ces conditions, où serait la qualité de l'information ?
Apprenez à faire la différence entre information et divertissement même si, de nos jours, les deux sont mélangés pour des raisons d'audimat (ou financières). Mieux vaut une information exacte et complète même si elle est un peu austère, qu'une information traîtée de manière divertissante et à la légère. La première est vitale, la seconde est interprétée.
Si vous avez des difficultés à faire la différence, relisez « Exercices de style » de Raymond Queneau...

3. L'information tu définiras
Dans un reportage, si vous voyez des informations non-vérifiées, des omissions graves, des interprétations ou des éléments subjectifs, alors posez-vous une question : a t-on voulu vous faire croire quelque chose, et pourquoi ?
Souvenez-vous qu'une information honnête est toujours définie par : Quoi, Qui, Quand, Où, Comment, Pourquoi. C'est la base de tout reportage.
Quoi : la nature d'un événement. Qui : les acteurs de l'événement. Quand, Où : le lieu et le moment. Comment : les circonstances. Pourquoi : les raisons.
Ces éléments permettent de définir l'information. Bien évidemment, le Comment et le Pourquoi peuvent donner lieu à de multiples développements ; mais cette structure de base permet de relater les événements de manière structurée et objective.

4. L'information tu ne pervertiras pas
La manière de traîter une information peut dénaturer celle-ci, si l'on y introduit des altérations et parasites : à-peu-près, suppositions, exagérations, amalgames, omission d'éléments pourtant significatifs...
Or, l'information part de l'émetteur (source de l'information) pour arriver au récepteur (cible de l'information), en utilisant les médias comme caisse de résonance (relais de l'information).
Malheureusement, des informations inexactes peuvent être reprises par cette caisse de résonance, contaminant progressivement le champ médiatique. Pour éviter cela, c'est à la source que les informations doivent être contrôlées. N'hésitez jamais à rencontrer les contradicteurs.
Souvenez-vous de Tchernobyl en Ukraine : les retombées radioactives étaient censées s'être arrêtées à la frontière française. Pourtant, il aurait été possible de distribuer des pastilles d'iode aux populations les plus exposées, afin de diminuer les cas de cancer de la thyroïde. Qu'en reste t-il, sinon le souvenir du mensonge ? Et où en sommes-nous exactement avec Fukushima ?
Pour ces raisons, ne pervertissez jamais l'information. Des vies peuvent en dépendre. Sinon, démissionnez ou faites un autre métier.

5. Fraîches tes informations seront
Autant que possible, l'information doit être fraîche et intéresser ceux qui la reçoivent.
Par définition, l'actualité possède une date de péremption. Quel intérêt un lecteur aurait-il à acheter un journal, s'il connaît déjà toutes les informations qui s'y trouvent, parce qu'il les a déjà lues ailleurs ?
Voilà pourquoi il faut veiller, tout particulièrement, à rester dans les temps. Quitte à avoir de l'avance (mais pas trop).

6. Tu ouvriras tes yeux sur tout, car tout peut devenir une histoire
N'avez-vous jamais remarqué, à sujet identique, comment certains reportages paraissent plus intéressants que d'autres ? C'est l'angle d'attaque qui permet cela. Si vous racontez une information en pensant que c'est toujours la même chose, celle-ci paraîtra forcément terne.
Par conséquent, évitez la routine, faites comme si chaque événement était unique (même s'il revient chaque année, comme un marronnier). Cherchez ce qui fait la différence.
Dans le récit d'un événement, écoutez les intervenants, ils ont souvent quelque chose à raconter. Pourquoi ne pas les citer, même brièvement ? Cela peut donner une âme à un sujet, tout en ajoutant du vécu et un contenu plus humain.
De plus, en discutant à bâtons rompus, sur place, avec les gens, il n'est pas rare que des pistes pour de futurs reportages apparaissent...

7. Raconte avant, pendant et après
Supposons une association qui prépare un événement.
Trois phases à respecter :
- avant : l'annoncer suffisamment tôt ; l'annonce de l'événement réunira le public au jour prévu ;
- pendant : le couvrir ; la couverture journalistique montrera son succès ;
- après : placer les jalons pour la réussite du prochain.
Annoncer un événement est essentiel : la photo ou la vidéo n'en sera que meilleure quand les journalistes passeront, tout simplement parce qu'il y aura plus de monde.
Pour un journaliste, couvrir avant, pendant et après, permet d'avoir (en principe) la totalité des informations sur un sujet et donc, de pouvoir en parler mieux.

8. Un reportage ne s'achète pas, il se mérite
Mieux vaut une communication méritée qu'une communication payée.
En effet, il suffit de sortir un chéquier pour faire passer une publicité. Par contre, pour un reportage, les journalistes ne se déplacent pas par hasard, mais quand ils trouvent un sujet qui les intéresse ; aussi, les lecteurs auront tendance à faire moins confiance à une publicité (payée) qu'à un article (en principe mérité).
Quel qu'il soit, un média a besoin d'informations : c'est sa matière première. Les rédactions sont en demande constante de sujets. Voilà pourquoi prévenir une rédaction, ses journalistes ou ses correspondants de presse, n'a rien d'inutile : bien au contraire...
Actualité, événements nationaux ou locaux, ou à plus petite échelle une inauguration, un concours de miss ou une exposition, le chemin est déjà tracé : difficile de ne pas en parler. Donc, peu de plus-value journalistique.
Par contre, tout sujet hors des sentiers battus et intéressant, apportera une meilleure plus-value journalistique.
En fait, toute activité humaine peut devenir un sujet intéressant, tout dépend de la manière dont celui-ci est traîté et mis en valeur. Par conséquent, il y a de la place pour beaucoup de monde...

9. Trouve le diamant caché dans le lustre en cristal
On ne cherche pas un diamant dans un lustre en cristal : il n'a aucune raison d'y être. Du moins, en principe.
Cela explique pourquoi beaucoup d'entre nous passent à côté de grandes richesses, tout simplement parce qu'elles ne sont pas sensées se trouver là où on ne les attend pas... L'actualité, c'est le lustre en cristal. Changez de regard : vous aurez une chance de trouver, peut-être, un diamant caché dans le lustre en cristal de l'information.
Toutefois, un journaliste n'a pas le don de double vue. Pensez à transmettre l'information pour ne pas être une aiguille dans une botte de foin.
Lorsqu'un média diffuse une information, celle-ci pourra être reprise par d'autres, créant un phénomène de caisse de résonance. Parfois même, un entrefilet dans un journal local est à l'origine d'un reportage au niveau national, voire même sur une chaîne de télévision à une heure de grande écoute.

10. Des médias tu n'abuseras point
Imaginez un président de la République qui serait présent matin, midi et soir, sur tous les médias nationaux, pendant plus de la moitié du temps. Ne finirait-il pas par lasser ?
Plus grave : son omniprésence ne finirait-elle pas par décrédibiliser les médias eux-mêmes ?
Il ne faut pas saturer la bande passante de la communication : information et lavage de cerveau ne sont pas synonymes. Par conséquent, il ne faut pas abuser des médias, car une trop forte présence médiatique finira toujours par créer un phénomène de rejet.
Une stratégie de communication efficace devrait toujours reposer sur trois points : la qualité (pour l'effet d'impact), une quantité suffisante mais pas excessive (la fréquence), et la réponse apportée à un besoin (déjà existant ou créé).