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Le bronzage des canons des armes de chasse

Par Christian Féron - Septembre 2013

Bronzage par oxydation à la couche

C'est le procédé traditionnel par excellence. Il ne détériore pas la soudure à l'étain des bandes du canon.

Avec un petit tampon, on étale une couche de liqueur de bronzage sur le métal. On laisse oxyder pendant une douzaine d'heures, en général la nuit. Toutefois, on peut réduire le temps d'oxydation en utilisant certaines méthodes. Au matin, on fait bouillir le canon entre 10 et 15 minutes, puis l'on brosse l'oxyde qui s'est formé en surface.

Passage d'une liqueur de bronzage à la couche sur un canon

Passage de la liqueur de bronzage.

Pour imbiber le tampon placé dans sa main droite, l'artisan incline la bouteille contenant la liqueur de bronzage.

Ce tampon sera ensuite passé sur le canon, tenu dans sa main gauche à l'aide d'une cheville à canon.

On renouvelle l'opération jusqu'à l'obtention d'une belle teinte noire. En général, il faut une semaine de traitement. Cela peut varier de 3 à 10 jours selon la liqueur utilisée, le temps qu'il fait et la manière dont on procède. Pour la dernière couche, il est possible d'ajouter du campêche dans l'eau de bouillissage, afin d'obtenir un léger reflet bleu.

Le bronzage étant terminé, on laisse le canon reposer pendant une semaine avant livraison, avec un contrôle journalier. Cela permet de vérifier si la réaction chimique s'est bien stabilisée, et s'il n'y a pas de rejets.

Ce procédé demande davantage de temps que le bain rapide. Auparavant, c'était une opération tellement courante que l'on ne prenait même pas la peine de la photographier à des fins documentaires. Pour dire à quel point c'était habituel avant, c'est la deuxième chose que mon père m'avait appris dans le métier.

Liqueurs de bronzage à la couche

Quelques-unes de mes liqueurs de bronzage à la couche...

Avec la disparition progressive des armuriers en France, rares sont ceux qui utilisent encore ce procédé. Même si c'est assurément rentable, c'est long et il faut posséder un minimum de savoir-faire et d'expérience. Pour cette raison, les canons sont, le plus souvent, expédiés chez un sous-traitant.

Au début des années 1980, j'avais entendu parler d'un armurier qui avait acheté sa formule de bronzage à la couche avec les indispensables tours de main qui allaient avec. Il avait payé 10 000 francs, soit 1 500 euros d'aujourd'hui. Sauf que, à ce moment-là, 10 000 francs représentaient une belle somme... C'est donc que, déjà à cette époque, il ne restait aucun livre pour enseigner la méthode à cet armurier ?

Pour ma part, je dispose d'un grand nombre de formules de bronzage à la couche, certaines assez anciennes, d'autres que j'ai créé moi-même (voir ma liste). Mais combien de professionnels peuvent en dire autant aujourd'hui ?

Pour la petite histoire, j'avais mis au point une formule de bronzage à la couche qui permettait de traiter un canon en 1 heure seulement, avec 4 couches. Lors d'expérimentations, la FN Browning avait besoin de 3 heures et demie, donc de deux heures et demie de plus que moi. Cela se passait au début des années 1980.

Bronzage au bain rapide

Ce procédé est surtout utilisé pour les bascules, clés et pontets, fers de longuesse, pièces accessoires et visserie. Les pistolets et revolvers peuvent aussi être traités de cette manière.

Le bronzage obtenu dépend de la préparation des surfaces.

  • Si le métal est poli de manière brillante, alors le bronzage sera noir brillant.
  • Si le métal est microbillé (sablage) on obtiendra un noir mat.

Le bain rapide est composé de soude, de nitrite de sodium et d'eau. La température de travail est d'environ 130 degrés centigrade. Les pièces à traiter sont immergées dans ce bain pendant une quinzaine de minutes. L'avantage du procédé est sa rapidité. En revanche, l'inconvénient est de taille : il peut décoller les soudures à l'étain d'un canon.

Pour gagner du temps, certains armuriers n'hésitent pas à traiter les canons d'armes de chasse au bain rapide. Cela ne présente aucun inconvénient sur les carabines type Mauser.

Il en va tout autrement sur les canonneries comportant de la soudure à l'étain, notamment les juxtaposés et superposés. Si le garnissage a été fait avec de la brasure d'argent, il n'y aura pas de problème. S'il a été fait à l'étain, ce sera une autre histoire...

Dans le cas le moins grave, cela peut se traduire par des dépôts de sels blanchâtres ou rougeâtres dans les recoins du canon, le plus souvent vers l'extracteur ou les éjecteurs. Mais au pire, cela peut aller jusqu'au dessoudage des bandes qui réunissent les canons.

En général, plusieurs semaines ou mois après bronzage sont nécessaires avant que cela ne se remarque. Le délai de garantie d'un fusil peut-il se trouver dépassé avant que le client ne s'en aperçoive ? Oui. Cela s'est déjà produit, malheureusement.

Comment vérifier si la soudure des bandes est en bon état ?

Tenez le canon entre deux doigts par les crochets, puis faites-le sonner avec un marteau en nylon. Si le son obtenu est cristallin, bien clair et ressemble au son d'une cloche, tout va bien. Si le son rendu est mat, genre « ploc-ploc », alors c'est qu'il y a un souci.

En effet, un canon dessoudé donne rarement un son clair !

Test de contrôle de la soudure des canons

Si le canon est bronzé, utilisez un petit maillet en nylon pour ne pas endommager le bronzage.

 

Avant d'envoyer un canon au bronzage, vérifiez toujours :

  • si la soudure des canons ne présente pas d'anomalies
  • si l'âme du canon présente des piqures ou des traces d'oxydation.

Si vous êtes armurier, faites toujours cela devant votre client, afin de lui faire constater immédiatement les problèmes. Mieux vaut qu'il les voie avant plutôt que après, car autrement, il pourrait prétendre que vous en êtes responsable.

Notez que l'opération de soudure des bandes détruit forcément le bronzage. Pour cette raison, il est inutile de bronzer un canon présentant un défaut de soudure des bandes !

 

Votre armurier bronze t-il les canons au bain rapide ou à la couche ?

Si votre armurier fait les bronzages lui-même, et si vous avez l'occasion de visiter son atelier, alors vous pouvez répondre à cette question par simple observation, en regardant ses bacs de bronzage.

En simplifiant à l'extrême :

  • bain rapide = soude caustique.
  • Bronzage à la couche = eau.

Par conséquent, une cuve de bronzage à la couche est remplie d'eau. Celle-ci pourra être éventuellement rougie par les oxydes de fer, ou assombrie par le campêche. Les parois du bac ne montreront pas de dépôts salins.

S'il s'agit d'un bain rapide, la cuve contiendra une solution de soude. Une pellicule blanchâtre ou rougeâtre se verra à la surface du bain. Des dépôts salins seront visibles sur les parois du bac, notamment à la jonction avec le couvercle, s'il y en a un.

Une astuce : donner un petit coup, avec le bas du poing, sur une paroi du bac. S'il y a de l'eau dedans, elle bougera comme elle le ferait à l'intérieur d'une casserole. Si c'est un mélange de soude, ce ne sera pas le cas.

 

Distinguer un bronzage au bain rapide d'un bronzage à la couche

Vous devrez vous munir d'un compte-fil ou, mieux, d'une orgnette de bijoutier, car une simple loupe ne suffira pas.

Etant donné que le bronzage à la couche provoque une oxydation de surface plus ou moins légère, celle-ci est visible avec un grossissement suffisant. Si vous voyez que la surface sous le bronzage n'est pas lisse, qu'il se présente un grain plus ou moins fin, uniformément réparti, alors il y a de fortes chances qu'il s'agisse d'un bronzage à la couche.

Si, au contraire, la surface du métal est bien lisse et brillante sous le bronzage, alors il s'agit plus probablement d'un bain rapide.

Cette méthode de différenciation n'est pas absolument certaine à 100 %, mais donne de bons résultats dans la plupart des cas.

En aucun cas, ce document et son contenu ne sont une incitation à faire ou à utiliser ce qui est montré ici. L’utilisation des informations contenues dans cette page relève de votre pleine et entière responsabilité quant aux dommages de tous ordres qui pourraient en résulter. Les travaux photographiés ont été réalisés du temps où j’étais établi en qualité d’armurier fabricant muni de l’autorisation de fabrication d’armes de guerre. Toutes ces armes ont été livrées à des chasseurs, tireurs, collectionneurs, représentants des forces de l’ordre et des corps constitués, musées, possédant les autorisations requises lorsqu’il y avait lieu.

Le seul et unique but de cette page est de faire découvrir l’artisanat et ses réalisations dans le monde de l’armurerie, ainsi que dans d’autres domaines utilisant des techniques communes ou apparentées.

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