
Le réglage de la convergence sur les double-express
A la recherche de la convergence idéale...
Comme le savent les armuriers compétents, régler la hausse ou la lunette ne suffit pas toujours sur une carabine double-express. Encore faut-il que le réglage de convergence ait été correctement effectué. Sinon, la distance séparant les deux impacts sur la cible risque d'être trop grande.
Cela est provoqué par la dilatation du premier tube lors du tir, ce qui influe sur le deuxième et occasionne le problème. Cette incidence ne pouvant pas être calculée exactement, la seule solution connue est de procéder par approximations successives, au moyen de plusieurs séries de tirs, en modifiant l'écartement des tubes à chaque fois.
Or, voilà bien longtemps, Monsieur Raick, de la maison Raick Frères à Liège, me disait avoir connu un ouvrier garnisseur exceptionnel, capable de régler la convergence des carabines double-express avec 6 cartouches seulement. Or, comment arriver à un tel résultat ? En général, lorsque tout se passe bien, c'est la moitié de la boite de munitions qui y passe, parfois même jusqu'à deux boites. Sans même parler du temps nécéssaire.
Evidemment, cet ouvrier avait disparu depuis longtemps, et personne n'avait jamais su comment il procédait. Aussi, cette anecdote était restée gravée dans un coin de ma mémoire, au chapitre « secrets de métier ». Finalement, un jour, je décidais d'étudier la question. Il me fallut 4 années de recherches avant de résoudre ce problème.
Mon premier banc de garnissage/convergence pour double-express
Au début des années 1990, j'étais arrivé à la conclusion qu'un dispositif comparable à celui d'un marbre pour automobile, mais en beaucoup plus petit, serait nécessaire. Toute la question était de connaître la meilleure forme à lui donner.

Finalement, j'optais pour un cadre entourant le canon, avec des cales à intervalle fixe pour la soudure, et un vernier réglable pour l'écartement des tubes.

Ci-contre, le vernier de réglage de convergence.
Pour modifier l'écartement des tubes, il suffit de tourner la vis située en bas du dispositif. En vissant, les tubes se rapprochent. En dévissant, les tubes s'écartent. La partie graduée sert de répère.
Il devient possible, par ce moyen, de fixer une distance avant et pendant le garnissage. Modifier le réglage est facile, puisqu'il n'y a qu'une vis à tourner. De plus, le vernier gradué permet de mesurer la rectification.
L'autre axe est réglé à l'aide de niveaux à bulle (non montés pour la photo).
Ce banc présente un autre avantage, celui de pouvoir être tourné dans tous les sens pour procéder au garnissage. Il suffit de le pincer autrement dans l'étau, voire de le placer sur des supports posés sur l'établi. Des plaques d'aluminium protègent le plan de travail.

En posant le banc sur l'établi, on peut accéder à la moindre partie de la cannonerie, toujours exactement dans le sens voulu, ce qui facilite le travail de soudure.

Egalement, la pose des embases de montage à crochets ne pose aucun problème.

Enfin, ce banc étant transportable, rien n'empêchait de l'emmener sur le stand de tir, avec une lampe à souder, afin de rectifier la convergence sur place.

Les résultats étaient tout à fait convenables, permettant d'obtenir des travaux comme celui montré ci-dessous. Les années suivantes, j'utilisais donc ce banc avec de bons résultats.

Toutefois, il y avait un défaut conceptuel. On ne pouvait pas voir à l'intérieur des canons, à cause de la fixation à l'intérieur du bâti. Il fallait donc calculer la distance séparant les deux tubes. Or, sur certaines canonneries, il arrivait qu'au sortir du garnissage, le 2e coup n'arrive pas à l'intérieur d'une cible placée à 80 mètres. Cela obligeait à repasser à l'atelier pour effectuer une rectification relativemement importante, d'où une perte de temps qu'il fallait résoudre absolument.
Mon deuxième banc de convergence pour double-express
Après cette première série d'expérimentations, j'arrivais à une conclusion définitive. Il fallait pouvoir, impérativement, regarder à l'intérieur des tubes. Cela permettait de les aligner, en les faisant pointer sur un point distant.
Je fabriquais un nouveau banc en conséquence. La partie maîtresse est un profilé en U. Le méplat d'acier à l'arrière permet de l'ajuster selon la longueur des canons.

Avec ce banc, le 2e coup arrivait toujours dans une cible placée à 80 mètres. L'extrémité, là où arrive la bouche du canon, permet de travailler sur des juxtaposés aussi bien que sur des superposés : il suffit de déplacer les vis de réglage. Celles-ci permettent de régler les tubes dans le sens voulu avec précision.

La fixation du canon se fait au niveau des crochets. A l'arrière, un niveau à bulle permet de régler le banc parfaitement à niveau. Ce contrôle horizontal permet de gagner en précision.

Les résultats obtenus furent meilleurs immédiatement, obtenus en beaucoup moins de temps. Ce type de banc est le meilleur que l'on puisse réaliser. En ce qui concerne le réglage final, j'avais été obligé de créer un dispositif complémentaire pour arriver à l'objectif fixé, à savoir réussir une bonne convergence en évitant d'utiliser plus de 6 cartouches.
Grâce à ce dispositif complémentaire, la convergence peut être réalisée en 4 cartouches seulement : la 1e et la 2e pour mesurer les points de référence, la 3e et la 4e pour vérifier le résultat. On peut toutefois tirer une 5e et une 6e pour constater le groupement à chaud.
Conclusion
Non seulement monsieur Raick avait raison, mais il est possible de faire mieux que ce qu'il croyait. Il aurait été très heureux de voir cela. Si le travail est réalisé correctement, la 3e et la 4e cartouche sont utilisées uniquement pour vérifier et fournir une cible au client.
Ce banc permet également de rectifier une convergence ne donnant pas satisfaction. Dans ce cas, ce matériel est encore plus rentable étant donné le temps qu'il permet d'économiser, notamment pour un armurier ne disposant pas d'un tunnel de tir chez lui.
Je ne décrirais pas le dispositif complémentaire, car d'autres artisans ont pu découvrir la même chose que moi : il serait injuste que je leur retire l'avantage d'avoir trouvé eux aussi. Sachez simplement qu'il s'agit d'un équipement distinct du banc de convergence.
Comme je le répète souvent, dire qu'une chose est possible, c'est déjà révéler un secret de métier. La meilleure manière de garder un secret, c'est de dire qu'une chose est impossible.
En résumé
D'abord la soudure des bandes : le moyen le plus confortable est de disposer d'un banc à souder réservé à cet usage, et pouvant opérer sur plusieurs calibres ainsi que longueurs de canon. S'il possède un débattement suffisant, ce banc pourra servir également pour les canons de fusils de chasse.Un banc de ce genre n'est pas très coûteux à fabriquer. Sa base est une section d'IPN, ce qui lui confère une grande rigidité. Le canon peut être tourné indifféremment sur toutes ses faces. Notez que la rampe à gaz - au cas où vous la fabriqueriez vous-même - comporte une admission d'air réglable, afin que la flamme soit chauffante (bleue) et non pas éclairante (jaune). Les entraxes des tubes doivent être réglables. La plupart des canons nécessiteront des ligatures à coin pour caler les bandes, et un serre-joint spécial à l'extrémité du canon.
La dernière opération consiste à régler la convergence. D'après moi, le mieux est d'utiliser un banc séparé, permettant un réglage fin de la convergence. Les vis comportent une protection afin de ne pas marquer le canon. Ensuite, on utilise le dispositif complémentaire pour parfaire l'alignement des tubes.
La vidéo en dessous montre le réglage avec la vieille méthode, donc sans dispositif complémentaire. Cela a l'inconvénient de demander, le plus souvent, plusieurs déplacements au stand. Pour cette raison, il vaut mieux disposer d'un tunnel de tir sous votre atelier, si vous utilisez la vieille méthode.
Dans cette vidéo, vous constaterez que le bâti de réglage ne comporte pas de contrôle horizontal (niveau), ce qui est un inconvénient pouvant nuire à la précision du travail obtenu.
Plus sur la convergence
Le réglage de convergence suppose une distance de tir, ainsi qu'un délai séparant le tir des deux cartouches. Les valeurs courantes sont de 80 mètres à 7 secondes, et 50 mètres à 4 ou 5 secondes environ, selon le type de chasse pratiqué.
Si vous voulez contrôler la convergence de votre express, n'oubliez pas que le délai possède une influence, mais que c'est la distance qui compte en premier.
Egalement, plus vous tirez de cartouches pour contrôler le groupement, plus la dispersion statistique augmentera. Cela ne remet pas la précision d'une carabine en cause, c'est simplement un phénomène statistique qui a été, notamment, constaté par Adrien Mosser voilà déjà une quarantaine d'années.
Gare au coup de la fraise
A la bouche des canons, un léger coup de fraise pour casser le bord des rayures est de coutume. Mais, pour rectifier une convergence, certains armuriers peu scrupuleux trichent en excentrant le travail de leur fraise. Comment constater cela ?

En 1, le coup de fraise est bien concentrique avec l'âme du canon, tout est normal, rien à redire.
En 2, le coup de fraise a été excentré de manière à renvoyer le projectile dans le plan vertical, afin de compenser un défaut de convergence.
Remarque : sur le dessin, la largeur du pourtour a été exagérée afin de bien faire voir le principe.
Normalement, c'est l'alignement des tubes qui doit faire la convergence, on ne règle jamais celle-ci à coups de fraise ! Autrement, cela signifie que la convergence a été réalisée à l'économie, de manière hâtive.
Ce détail passe inaperçu la plupart du temps. Aussi, avant d'acheter un double-express, vérifiez toujours ce point. Autrement, vous vous exposerez à de coûteuses désillusions.
Demandez la cible !
Quelques internautes chasseurs m'ont posé la question suivante après la parution de cet article : "Si une arme combinée, neuve ou d'occasion, est vendue sans la cible montrant sa convergence et son groupement, y a t-il un risque à l'acheter quand même ?".
Seule la cible permet de connaître la convergence et le groupement d'une arme combinée. Si cette cible est absente, vous n'aurez pas d'autre solution que de croire le vendeur sur parole, ou bien d'aller au stand de tir avec lui.
S'il s'agit d'une arme d'occasion, mieux vaut disposer d'une cible récente. En effet, une canonnerie peut perdre de la précision avec le temps. C'est particulièrement gênant si le prix demandé est élevé...
La cible doit indiquer au moins les renseignements suivants : le type de munition et d'ogive utilisée, la distance, le temps séparant le tir des deux tubes. Ces renseignements sont indispensables si l'on veut tenter de reproduire un tir équivalent. D'autres informations peuvent être ajoutées telles que la température. La cible doit également la date et surtout... la marque et le numéro de l'arme !
Maintenant, si vous n'accordez aucune confiance au vendeur, le mieux reste d'aller essayer l'arme au stand avec lui... Même si vous devez payer pour cela, ce sera toujours moins grave que d'acheter une arme imprécise.
Différents types d'armes combinées

1, 2, 3, 4 : Superposé avec un coup intermédiaire rayé (Bockdrilling)
5 : Mixte juxtaposé (Büchsflinte)
6 : Mixte superposé (Bockbüchsflinte)
7 : Juxtaposé avec un coup dans la bande supérieure (Schienendrilling)
8 : Drilling
9 : Double-express drilling (Doppelbüchsdrilling)
10 : Triple express (Büchsdrilling)
11, 12, 13 : Vierling
Un bergstutzen (représenté dans l'infographie ci-dessous) est un express superposé à deux calibres différents.

Une collection plus complète des combinaisons de tubes rayés
et lisses pour les
armes combinées. Beaucoup de possibilités existent...
En aucun cas, ce document et son contenu ne sont une incitation à faire ou à utiliser ce qui est montré ici. L’utilisation des informations contenues dans cette page relève de votre pleine et entière responsabilité quant aux dommages de tous ordres qui pourraient en résulter. Les travaux photographiés ont été réalisés du temps où j’étais établi en qualité d’armurier fabricant muni de l’autorisation de fabrication d’armes de guerre. Toutes ces armes ont été livrées à des chasseurs, tireurs, collectionneurs, représentants des forces de l’ordre et des corps constitués, musées, possédant les autorisations requises lorsqu’il y avait lieu.
Le seul et unique but de cette page est de faire découvrir l’artisanat et ses réalisations dans le monde de l’armurerie, ainsi que dans d’autres domaines utilisant des techniques communes ou apparentées.
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